Où est passé le job de rêve?

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Denis Descause
XX 2022

Il y a peu, je me suis posé cette question: “Où est passé le job de rêve?”. Je discutais alors avec mon plus jeune fils (21 ans), après sa cérémonie de remise des diplômes à l’université. Je lui demandais quel métier il envisageait, le poste ou l’entreprise qui le faisait rêver. Il m’a fait comprendre qu’il ne concevait pas l’espace de travail comme le lieu de concrétisation de ses rêves…Je dois avouer que je ne m’attendais pas à sa réponse. S’ensuivit une discussion sur ce qui le motivait, ce dans quoi il se verrait s’épanouir. J’ai alors découvert des aspirations que je n’aurais personnellement jamais envisagées: lui comme ses amis recherchent avant tout un équilibre entre un job justement rémunéré (ni trop, ni trop peu) et du temps libre à consacrer à leur(s) passion(s) ou à ce qui leur tient à coeur (en l’occurrence la musique pour mon fils).

Je considère cet échange comme ma 1ère expérience avec les attentes de cette génération, les Zoomers (ou GenZers). Comme tout bon parent (et accessoirement comme chef d’entreprise), j’ai voulu me renseigner pour mieux comprendre ces nouvelles façons de concevoir la vie, le travail, les relations,... Et surtout savoir comment y répondre en s’affranchissant d’un référentiel que cette génération ne comprend pas. N’oublions pas qu’ils vont représenter près de 30% des salariés à l’horizon 2025, alors autant se préparer!

Une génération en quête d’expériences

Les différentes études que j’ai pu lire vont dans le même sens que les échanges que j’ai eus avec mon fils et ses amis: ils sont avides d’expériences, et ne veulent pas s’enfermer dans un rôle. Moi-même créateur d’entreprise, j’ai été impressionné par la multitude de projets (et d’entreprises) qu’ils pouvaient mener avec force conviction en parallèle de leurs études, souvent avec succès! Et contrairement aux petits jobs que j’ai occupés pour financer mes études, eux le font par engagement et/ou passion.

Dans ce contexte, l’entreprise va devoir s’adapter à un nouveau fonctionnement et une nouvelle façon de penser et d’agir. Le rôle du leadership et des RH est d’accompagner dès à présent la transformation de la culture et du fonctionnement de l’entreprise, au risque de générer une frustration au sein de cette génération et par conséquent de l’attrition. Cette recherche d’expériences peut prendre différentes formes: appels et contributions à des projets, intrapreneuriat, opportunités d’évolutions, possibilités de sortir de sa zone de confort (“stretch”),...

A l’époque où je travaillais pour un grand éditeur de logiciels, j’avais piloté un projet que nous avions appelé “Open resources”. Tout était parti d’un constat: de nombreux projets lancés n’aboutissaient pas, malgré des vraies perspectives de débouchés. La cause: le manque de ressources et de compétences adaptées. Nous avons alors travaillé sur un mécanisme d’appel à contribution interne, en publiant l’ensemble des projets actifs, les compétences recherchées et une estimation du temps à y consacrer. Le bilan a été bien au-delà de nos attentes [@Denis détailler en quelques mots]

Rendre chacun acteur de sa contribution à la réussite collective est une réponse assez simple à mettre en œuvre et satisfaisante pour toutes les parties prenantes. Dans le même esprit, en déployant Flashbrand dans un grand groupe de luxe, nous venons de lancer une nouvelle approche de gestion des carrières: chaque salarié peut exprimer un souhait de mobilité (fonctionnelle, géographique, court-terme ou moyen-terme,...), avoir accès aux postes correspondants ouverts en interne (ou recevoir des notifications par la suite). Les collaborateurs peuvent ainsi participer à la vision stratégique et organisationnelle. Les équipes RH de leur côté ont accès à des viviers de candidats internes intéressés par des rôles dans leur périmètre, ce qui permet de les pourvoir plus facilement.

Dans cette perspective, il faut néanmoins être prêt à un changement de taille dans la façon de penser et de concevoir le lien à l’entreprise: les Zoomers ne cherchent pas un schéma de carrière verticale et longue dans l’organisation. Ils viennent apporter leurs expériences et veulent en vivre de nouvelles…Pour un certain temps!

Une soif d’apprendre

Cette recherche d’expérience traduit un désir d’apprendre et de se développer en continu. Il est donc important non seulement de mettre cette génération en condition de challenge, de la confronter à la nouveauté et la diversité dans les missions, mais aussi de la préparer à leur avenir et leur évolution professionnelle. La philosophie du développement, de la formation et du coaching a, là encore, pris un virage: l’objectif n’est plus d’acquérir les compétences qui permettront de performer dans son rôle actuel, mais de se préparer au prochain!

Je suis convaincu que cette autre philosophie servira les intérêts de tous et bénéficiera à l’ensemble des collaborateurs, quelle que soit la génération à laquelle ils appartiennent. En effet, des programmes adaptés et cohérents de formation, d’upskilling et de reskilling ont un impact sur la motivation et l’engagement des salariés. Je lisais récemment que l’opportunité d’apprendre et de se développer est désormais le principal élément encourageant une culture agréable du travail, alors qu’il était en 10e position en 2019.

Des études américaines récentes vont même au-delà des considérations liées à la rétention: face à la pénurie de Talents (souvent diplômés de formation universitaire), des simulations ont mis en évidence qu’aux Etats-Unis, près d’1,5 millions de jobs pourraient être ouverts à des personnes sans diplôme d’études supérieures dans les 5 prochaines années. Pour y parvenir, il suffirait de construire des plans de formation adaptés (et bien entendu de revoir certains processus comme le recrutement). Le plus surprenant: les postes en question concernent des rôles en mid (voire top) management!

Un environnement de travail repensé

Suite à la discussion mentionnée en introduction, j’ai eu l’occasion d’échanger à plusieurs reprises avec quelques récents diplômés de l’entourage de mon fils. L’un d’entre eux notamment, m’a dit très sérieusement qu’il cherchait un travail à mi-temps, car il souhaitait se consacrer à d’autres activités à côté. Un autre m’a dit avoir accepté de rejoindre une entreprise car elle était passée sur une semaine de quatre jours, ce qui lui convenait parfaitement en termes d’équilibre. Bien qu’ayant été quelque peu déstabilisé, ces échanges m’ont néanmoins permis d’appréhender de nouveaux leviers de motivation!

Lors de mes recherches, j’ai appris que des entreprises de la tech et du conseil avaient déjà adopté de nouvelles approches, pas seulement aux Etats-Unis: la notion de flex working (ou smart working) par exemple, ne se limite plus à l’hybridation des espaces de travail, mais elle intègre aussi les heures de travail! Fini le 9h-18h, ce qui compte c’est que les collaborateurs puissent choisir leurs heures de travail selon le moment de la journée où ils se sentent les plus efficaces, ou qui n’interfèrent pas avec d’autres projets personnels. Cette approche favorise l’efficacité et l’autonomie dans un cadre de confiance réciproque.

En revanche, le télétravail à 100% n’est pas un modèle qui attire. Cette génération, bien qu’ultra-connectée, a besoin d’interaction et de collaboration. J’entends de plus en plus de témoignages de jeunes diplômés (Zoomers donc!) déboussolés par un onboarding durant lequel ils ne rencontrent personne, par des bureaux vides, et par le manque d’échange de qualité avec leur management. En tant qu’employeurs, nous ne devons pas oublier que la loyauté et l’engagement passent aussi par les relations sociales tissées dans l’entreprise. Cela va peut-être vous étonner, mais c’est encore plus le cas des Zoomers: leur engagement est moins à l’entreprise qu’à l’équipe.

L’entreprise attentionnée

La notion de bien-être au travail prend une toute autre dimension quand on en discute avec un GenZers. Cette dernière fait partie des priorités en termes d’attentes (voire d’exigence) vis-à-vis de leur employeur. Il est attendu de ce dernier qu’il porte une attention particulière à leur bien-être mental et physique. Et cette attente va résonner différemment dans les entreprises. Les enquêtes annuelles, globales et génériques ne répondront plus aux exigences d’écoute individuelle. Elles ne permettront pas non plus de capter sur le moment une frustration ou un mal-être. Et forcément, les entreprises ne seront plus en mesure de mettre en place les actions et l’accompagnement attendu pour améliorer la situation.

Que faire dans ce contexte? Dans un premier temps, déployer les mécanismes et les outils qui favorisent une écoute continue des collaborateurs. Je reconnais que la libération de cette parole est un sérieux virage culturel, parfois peu évident à négocier. Nous avons constaté différentes approchent pour y parvenir:

Je vois un autre intérêt à ces “pulses”, toujours en lien avec les attentes des Zoomers: mesurer l’adéquation entre les valeurs des collaborateurs et celles de l'entreprise (démarche RSE,...). En effet, l’entreprise doit aussi faire attention à son image (et ses actes) en matière de responsabilité sociétale. Cela me semble être un autre exemple de symétrie des attentions: l’entreprise doit s’efforcer d’incarner en interne les valeurs et l’image d’éthique qu’elle se construit et véhicule en externe. Depuis environ 18 mois en France (et depuis bien plus longtemps aux Etats-Unis), nous avons constaté par exemple que le thème de la diversité et de l’inclusion (D&I) devient un sujet central revenant de plus en plus souvent dans les enquêtes. Au regard de son importance dans la société, nul doute que la D&I soit, pour de justes raisons, de plus en plus présente dans l’entreprise.

Pour conclure sur les enjeux liés à l’attention de l’entreprise, notre rôle en tant que RH ou dirigeant d’entreprise est non seulement d’écouter, mais aussi de savoir communiquer et agir. En effet, l’expérience m’a montré que les collaborateurs répondent plus volontairement à des enquêtes, même fréquentes, si l’entreprise communique par la suite sur les enseignements et sur les plans concrets d’action. Le véritable challenge selon moi ne réside pas dans la mise en place d’une culture d’écoute, mais dans la capacité de l’organisation à apporter une réponse adaptée, qu’elle soit globale ou à la maille de l’individu (pour son bien-être par exemple).

La Génération Z diffère-t-elle à ce point des autres générations? La plupart des articles sur le sujet laissent à penser que oui. Personnellement, j’ai le sentiment que les Zoomers sont fondamentalement attachés au respect de la personne et à la recherche d’épanouissement. Pourrait-on affirmer que ce n’est pas le cas des Boomers ou des Millenials? Je ne pense pas!

Force est de constater cependant que les attentes des Zoomers s'expriment différemment. La raison est évidente: la société a tout simplement évolué! Il est donc nécessaire pour l’entreprise de changer aussi, au risque d’être perçue comme ancrée dans une culture et des schémas passéistes. La transformation requise doit permettre une plus grande personnalisation (carrière, rythme et lieu de travail, recherche d’équilibre), elle doit favoriser la multiplicité des expériences, et surtout elle doit mener l’entreprise vers un modèle sociétal vertueux et responsable.

Il reste cependant une caractéristique qui leur est propre: l’ultra-connectivité! Par conséquent, il ne faut pas oublier l’importance de la communication, notamment sur les résultats de cette transformation. En recherche d’emploi, Glassdoor et Welcome to the Jungle restent les meilleurs alliés des Zoomers. Faites-en votre levier d’attractivité!

Si vous souhaitez en savoir plus, n’hésitez pas à me contacter sur denis.descause@flashbrand.me